Paysages du vent
Les manières de bâtir se sont adaptées à sa poussée : le bâtisseur maçonne solidement le débord de toiture (la corniche dite « génoise ») pour l’empêcher de soulever le toit des maisons; le campanile échappe élégamment à sa poussée en ne lui offrant comme prise que transparence et légèreté.
Mais la trace la plus forte qu’il imprime au paysage, réside dans ce singulier bocage aux lignes perpendiculaires à la direction du vent, Nord Nord-Ouest le plus souvent, Nord-Ouest et bientôt Ouest quand le relief l’oblige à contourner l’obstacle (vallée de la Durance à l’est de Cavaillon, par exemple).
Ces lignes orientent aussi l’implantation des fermes qui ne lui offrent qu’une longue façade aveugle. La vallée du Rhône, le pays des Sorgues, les débouchés des vallées du Calavon et de la Durance, sont modelés par ce réseau serré qui ferme les horizons, occulte tous les repères lointains et absorbe les aménagements et les villages.
Perçu comme un des paysages caractéristiques du Vaucluse, ce bocage est en fait un paysage relativement récent puisqu’il s’est surtout développé à partir des années 1830, en accompagnement de la révolution agricole du département qui voit son économie passer d’une production vivrière à une agriculture de marché (maraîchage et arboriculture) ouverte par l’arrivée du chemin de fer. Ces nouvelles productions nécessitent des protections nouvelles contre le vent quand la “rugosité” du paysage de polyculture savait s’en prémunir.
Ce bocage est complexe et combine plusieurs types de haies :
- les haies vives monospécifiques, autrefois uniquement composées de cyprès (Cupressus sempervirens), évoluant aujourd’hui (à cause de la maladie du cyprès) vers d’autres essences comme le cyprès de Leyland, le cyprès bleu ou le peuplier (Populus nigra) lui même menacé dorénavant ;
- les haies vives composites (région des Sorgues) perpendiculaires aux directions principales données par les cyprès,
- les haies sèches de canne de Provence (A rundo donax), ces « caniers » ou « canisses » qui investissent de nouveaux usages dans les quartiers pavillonnaires Ensemble, elles dessinent ce paysage de “huerta” comtadine qu’une nouvelle évolution des cultures rend parfois inutile comme on le voit avec la suppression des haies accompagnant le développement de la vigne dans la région de Violès, de Jonquières ou sur les coteaux d’Avignon.