La modernité des paysages vauclusiens
Le Vaucluse aime à se faire connaître pour son patrimoine et ses paysages traditionnels : les villages perchés sur leurs socles de restanques, les collines pittoresques portant ce qui reste de polyculture gagnée par la monoculture de la vigne, les grands paysages ouverts du causse d’Albion, la forêt profonde des monts de Vaucluse ou de l’ubac du Ventoux ou les paysages de pierre sèche du plateau des Claparèdes.
Pourtant, le Vaucluse est aussi le pays des paysages récents et, pour certains, très modernes. Ainsi le paysage totalement remodelé du Rhône date de la seconde moitié du XXe siècle, la « huerta » bocagère n’a guère plus d’un siècle et demi, et les banquettes viticoles qui sculptent les versants des Dentelles de Montmirail sont une production récente d’à peine plus de deux ou trois décennies. On doit aux travaux de restauration des terrains en montagne (la “RTM”) du XIXe siècle, la forêt du mont Ventoux. Les pittoresques étendues de lavande et de lavandin du plateau de Sault sont quand à elles issues du développent d’une économie récente.
Aujourd’hui, les courbes très tendues de l’autoroute et du TGV semblent glisser, parfois d’une manière horssol, dans un paysage sur lequel s’impriment, en nappes amorphes, les zones d’activités et l’habitat étalé contemporain. Ces paysages vauclusiens modernes nous rappellent avec insistance qu’il n’existe jamais que des paysages d’aujourd’hui. L’enjeu n’est pas de figer les traits sur telle ou telle représentation pittoresque attachante, mais de se donner les moyens de produire un paysage contemporain en résonance avec ce qui préexiste. De là l’attention qu’il convient de prêter aux couches superposées déposées par les époques précédentes et aux traces qui en témoignent, dont les traits donnent sens au lieu où l’on habite, et nourrissent l’identité de ses habitants.