Le Luberon, du mystique au médiatique

Il y a deux Luberon : la montagne qui porte ce nom et son aura médiatique. Une montagne qui serait restée secrète, une “terre de mystère en pleine lumière” théâtre des romans de Bosco et pays d’élection de Camus, mais aussi “campagne réinventée” sous l’effet d’un étonnant phénomène, essentiellement médiatique. Un nouveau mythe contemporain ? Un emblème trop souvent mercantile, utilisé comme une marque par les agents immobiliers et tours-opérateurs, qui travestit profondément la réalité et indispose les habitants. Ce double portrait, contrasté et caricatural, s’avère donc injuste, réducteur.

Le Roucas à Ménerbes
Tout d’abord, le Luberon de Bosco.
Les extraits qui suivent ne sont pas d’un roman mais d’un texte écrit spécialement pour un ouvrage consacré au pays d’Apt. C’était l’époque (1964), où pays et paysages avaient une identité (le pays d’Apt, le pays d’Aigues), une époque où le Luberon était encore une MONTAGNE enchantée…”Dans tes ravins, sur tes hauts lieux les plus tragiques, tu proclames le mépris de l’horreur. De toi, rien n’éclate, ne se brise et ne croule. Tout demeure clos. Aucun de ces pics déchirants, de ces cris par où s’exaltent douloureusement tant d’illustres montagnes, ne déshonore la maitrise de tes sommets. Tes mamelons où se sont dégagées de la matière, après des siècles de patience et d’usure, les courbes millénaires de l’esprit, obéissent aux lignes d’apaisement (…) Tes lieux habités nous proposent des noms aussi beaux que les collines d’Argolide ou que le calme d’Epidaure. Souvent ils cachent un secret où dénoncent la présence d’un Dieu. Si Ménerbes rappelle la Sagesse, si Oppède dit ville forte et Villelaure évoque le laurier, que conservent en eux d’une antique pensée, sous leurs nobles syllabes, Lourmarin, Mérindol, Ansouis et Sivergues ? (…) Mais c’est surtout le prestige de tes lieux inhabités qui tente notre rivière : mas abandonnés aux ravines, chapelles détachées de la prière, crèches sans agneaux, et ces mystérieux villages bâtis en pierres sèches, sur tes hauteurs, loin des routes, et qui groupent encore leurs huttes rupestres où, de temps à autre, s’abrite un berger qui a froid”…

Ensuite, la prose d’un organe de développement touristique régional, dans une brochure touristique : “Un village agrippé au flanc du massif vous tend une main de tuiles mordorées. Découvrez la signification de ses lignes et suivez-les pour remonter aux sources de son âme, entre un parcours dans ses ruelles médiévales et une halte à l’ombre des platanes, des ormeaux ou des tilleuls de la place où une ancienne fontaine de jouvence rafraîchira votre soif de curiosité. Aventureuse liberté des sites naturels, ésotérisme des monuments, beauté rugueuse et près des gorges déployées ou encaissées, lumière et vent des collines inspirées s’éclairant comme des perles de collier. Rares privilèges qui auront à cœur de vous donner l’âme d’un poète…”