Fontaine de Vaucluse, les monts, la Sorgue

la Sorgue… emblème parmi les emblèmes

Il faut avoir parcouru l’immensité du plateau calcaire, ses ondulations nues ou cultivées mais toujours assoiffées, pour saisir la dureté de cet espace foncièrement méditerranéen. Il faut avoir parcouru ce pays aride pour s’émerveiller, alors, du génie qui permit de s’y installer et d’y vivre, spécialement par la maîtrise de l’eau : son captage, son transport, sa conservation. C’est après, et après seulement, que nous pouvons nous enivrer à la fontaine, à l’ombre de la vallée close : « Nous regardions couler devant nous l’eau grandissante. Elle effaçait d’un coup la montagne, se chassant de ses flancs maternels. Ce n’était pas un torrent qui s’offrait à son destin mais une bête ineffable dont nous devenions la parole et la substance. Elle nous tenait amoureux sur l’arc tout-puissant de son imagination.” (1) La suite pourrait être, si l’on n’y prend garde, beaucoup plus prosaïque : “La Sorgue. 700 millions de m3 par an, pour un million et demi de visiteurs. La Sorgue, un cadre préservé.” Site le plus anciennement classé du département, la vallée close, comme la Sorgue, nous  semble être trop souvent cette ”rivière souvent punie, rivière à l’abandon ]…[ Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarrisseurs, du soleil‚ lâchant sa charrue pour s'acoquiner au menteur.” (2)

J.C. BENTLEY « Fountain of Vaucluse & Petrarch’s castle »Mais l’âme de Vaucluse, transformée en vif argent, s’est bien vite échappée d’entre les marchands du temple. Déjà, elle est au Thor, où : “Dans le sentier aux herbes engourdies où nous nous étonnions, enfants, que la nuit se risquât à passer, les guêpes n’allaient plus aux ronces et les oiseaux aux branches. L’air ouvrait aux hôtes de la matinée sa turbulente immensité. Ce n’étaient que filaments d’ailes, tentation de crier, voltige entre lumière et transparence. Le Thor s’exaltait sur la Lyre de ses pierres. Le Mont Ventoux, miroir des aigles, était en vue. Dans le sentier aux herbes engourdies, la chimère d’un âge perdu souriait à nos jeunes larmes.

(1) et (2) : René CHAR, La fontaine narrative
(3) : René CHAR, Fureur et mystère