Le Rhône et Avignon, grande voie méridienne
Fernand Braudel, dans son IDENTITÉ DE LA FRANCE (L’espace et l’histoire, 1986) donne à l’axe rhodanien, une autre direction que celle que l’on a coutume d’afficher : sud nord, celle de la pénétration romaine en Gaule et de tout ce qui va s’en suivre à commencer par le christianisme. De la Via Agrippa à la ligne nouvelle du TGV, le paysage va être continuellement marqué du sceau des infrastructures de communication et des ouvrages d’art, par un brassage incessant.
Les géographes, plus particulièrement Vidal de la Blache, ont souligné l’importance du couloir rhodanien dans l’espace français : “Très anciennement, l’influence du rapprochement de la Méditerranée et de la mer du Nord a pris corps sur notre territoire. Cette influence s’est géographiquement exprimée et consolidée par des routes, des lignes de relation à grande portée. L’axe commercial de la France, une ligne partant de la Provence pour aboutir à l’Angleterre et aux Flandres, montre une remarquable fixité”.
Le premier acteur des échanges, avant la route et le rail, sera le fleuve. Sur le Rhône, nous dit F. Braudel “l’animation des trafics était grande dans les deux sens. Le Rhône transportait, en effet, toutes les marchandises achetées par les provinces du Nord à l’étonnante foire de Beaucaire. (…) Trafics, échanges, transbordements, magasinage, créent au long du Rhône, autant que possible à l’abri de son eau dangereuse, une série de villes actives, éblouissantes souvent quand l’histoire a bien voulu les favoriser. C’est Arles, qui survit longtemps aux splendeurs de la Gaule romaine ; c’est Avignon, longtemps centre de la Chrétienté et qui alors brille de tous ses éclats”.
Le trafic va, avec les progrès technologiques (la navigation à moteur, les aménagements hydroélectriques, etc.) bouleverser le paysage. Le progrès technologique a, par contrecoup, créé un grand paysage. La plaine du comtat, la “huerta provençale”, a donné son paysage et sa richesse au pays grâce à deux facteurs : l’irrigation et le chemin de fer, avec l’arrivée du P.L.M. vers 1850. La production maraîchère, qui était balbutiante, va exploser en s’exportant par le train vers les pays du nord : Lyon, la Suisse, Paris, l’Angleterre…
Aujourd’hui, débouchant sur Avignon par le viaduc TGV, un descendant de Victor Hugo peut s’exclamer, à son tour : “Quand on approche de la ville, la figure grecque et antique de la vieille Avignon se modifie (…) Les clochers se multiplient ; les aiguilles gothiques percent ce magnifique entassement d’architraves ; le château des papes devient pour le regard une sorte de cathédrale romane gigantesque, qui a sept ou huit tours énormes pour façade et une montagne pour abside. (…) Tout cela, c’est de la grandeur ajoutée à de la grandeur (…) c’est Rome surgissant dans Athènes.” (Victor Hugo, Choses vues, 25 septembre 1839) Aujourd’hui, cette “vision” a été classée au patrimoine mondial de l’humanité (par l’UNESCO en 1995).